Du MHGA à la coordin’action

 

Le MHGA créé en 1977 est rebaptisé Ecohabitat Groupé en Novembre 2009 lors du 9 ème forum de l’habitat groupé, en mairie de Montreuil. En août 2005 Yves Delagausie m’invite à intervenir dans le cadre de l’université d’été des urbanistes français qui a lieu à Montpellier. Il m’avait demandé de parler de mon étude sur les écoquartiers européens aux quels j’ai consacré un chapitre du livre : « Voyages dans les villes durables »aux éditions APOGÉE. Dans l’atelier N°7 je commente des images des premiers écoquartiers européens. Il n’existait alors aucun projet d’écoquartier en cours de réalisation, en France. En Novembre 2007, je croisais Yves lors du 7ème Forum Régional pour l’économie sociale et solidaire de Toulouse où il avait la confirmation de ce que je lui avais dit, deux ans auparavant : L’enjeu écologique est devenu l’objectif structurant des nouveaux groupes d’autopromotion. Nous ne comprenions ni par qui avaient été organisées cette 2ème rencontre nationale des coopératives d’habitat, ni pourquoi la Fédération des coopératives d’HLM en était absente. Nous nous demandions comment Bertille D’Arragon, la permanente d’Habicoop, une jeune étudiante embauchée par l’Union régionale des sociétés coopératives de la région Rhône Alpes sur un simple poste de stagiaire, avait-elle pu provoquer et animer un tel rassemblement de plusieurs centaines de personnes. Yves était assez perturbé par ce forum, un des premiers dont il n’avait pas été l’organisateur et auquel il reprochait d’occulter l’aspect social de l’habitat coopératif au profit de l’approche écologique ; Quoiqu’il en soit nous étions tous deux impressionnés par le nombre et la vitalité des participants. Nous assistions à une renaissance de ce qui avait été le mouvement autogestionnaire et ce qui s’affichait comme étant coopératif ET écologique. Je n’ai donc pas été étonné d’apprendre que le MHGA entamait, en 2009 et sous l’impulsion d’Yves, une seconde vie en tant qu’Eco habitat groupé. Plus qu’étonné, fâché car j’avais eu un autre réflexe : celui de m’intéresser au nouveau mouvement dit de l’Autopromotion plutôt que de vouloir raviver un mouvement qui , selon moi, avait fait sa vie. L’idée de me retrouver dans un club de retraités de l’habitat autogéré me déplaisait. Au risque de me contredire, quelques années plus tard, j’étais bien content de retrouver des amis des années quatre vingt. Content aussi qu’en 2013-14 des associations régionales de l’habitat participatif se mettent en place sur le principe d’un regroupement de toutes les appellations d’origine. Au temps du centralisme se substituait le temps du fédéralisme.

En Avril 2008 Yves adresse un mail à Alain His (groupe de Meudon le Val) : Cher Alain…Il y a effectivement en ce moment un grouillement d’initiatives sur et hors de la toile, de gens qui veulent rassembler, accompagner, coordonner, etc… Il est difficile de savoir sur quelle expérience ça repose et surtout combien de véritables projets en résultent. La demande est certaine. La réponse l’est moins. Il me semble qu’il serait temps de donner du poids à ce nouveau printemps de l’habitat groupé, complété évidemment par les objectifs écologiques, en partant des groupes qui ont réellement l’expérience du projet, de sa réalisation et de sa gestion, et en y associant les groupes en projet. Eco Habitat Groupé donc ; capitalisant notamment les réalisations dans l’habitat social des années 80ainsi que celles d’avant et d’après, qui n’ont pas une mince importance dans la construction d’un rapport de force. Les deux questions difficiles de ce mode d’accès à l’habitat : la formation d’un groupe de projet réaliste et l’accès au foncier à un prix raisonnable (dans un environnement dominé par les promoteurs et les pavillonneurs). Pour prendre en compte ces deux objectifs difficiles, je crois qu’il faut rechercher des alliances au niveau politique, notamment avec les élus des municipalités. La charte que nous avons adopté à Montpellier me semble assez bien intégrer et exprimer clairement des différentes composantes de ce mode d’accès à l’habitat et cette volonté d’intégration dans la vie de la cité…Nous sommes en train de finaliser la phase programmation d’un projet d’une douzaine de logements à Castries, dans la périphérie de Montpellier. L’intégration des plans de logements dans le plan d’ensemble est faite. Il reste à préciser les différents dispositifs permettant d’atteindre les objectifs écologiques : consommation d’énergie limitée à 50 Kw/H :m2/an, modalités de captage des énergies renouvelables, confort d’été, récupération des eaux de pluies…courant Mai 2008, la définition précise du programme sera arrêtée. Il en résultera notamment un ensemble de documents permettant de présenter simplement et clairement la méthode et les outils de programmation urbaine qui doivent être utilisés pour prendre en compte les demandes individuelles et collectives des habitants et de leurs élus. A partir de là je vais commencer, en Languedoc-Roussillon, le travail de rencontre avec les mairies et un certain nombre d’institutions. Je serais partant pour une nouvelle rencontre en Région parisienne, par exemple au Buisson Saint Louis…Rencontre avec ceux qui ont envie de fonder un mouvement durable, organisé par les régions, pour débattre des objectifs aussi bien que des moyens à mettre en œuvre… »

Le 15 Juin 2008, dans les locaux du Buisson Saint Louis, Yves Delagausie et Michel Broutin, le président en exercice du MHGA, organisent une rencontre des habitats groupés. Une quinzaine de réalisations, dont une partie se situe dans la mouvance du MHGA et dont d’autres plus récentes semblent avoir été utilisées pour moderniser la nouvelle image de l’EHG. Ces réalisations feront l’objet d’une plaquette pour diffusion. Un groupe d’habitat social locatif, les Naïfs, est présenté alors que les deux ensembles d’habitat social locatif du Faubourg Montmélian et d’Orsay, réalisés dans les années 80 à l’initiative du MHGA, et de son BET «  Habitat Forum » sont passés sous silence. C’est l’esthétique du collage qui l’emporte sur la réalité historique. Un nouveau mouvement naît qui partant du présent vise le futur.

En Septembre 2008 le conseil d’administration se réunit pour préparer le redémarrage du MHGA. En Octobre 2008 un forum de l’habitat groupé a lieu à Montreuil (maison de quartier Lounés Matoub). Le 8 mars 2009 le MHGA organise une assemblée générale extraordinaire pour rebaptiser le mouvement en Eco Habitat Groupé et en approuver les nouveaux statuts.

Le 3 novembre 2009 Hervé Saillet de l’association Robins des villes adresse un mail à Yves Delagausie :« Au risque de mettre les pieds dans le plat…ou de faire mon poil à gratter Robins des villes de service, après avoir reçu votre projet de fédération, est-ce qu’il ne serait pas plus judicieux d’ouvrir réellement le débat, plutôt que de faire votre réunion de proposition de Fédération juste après le forum de Montreuil et à huis clos ; Pour ceux qui ne le savent pas, vous m’avez invité à ce forum pour présenter un premier retour d’expérience sur le projet du « Grand Portail » que nous accompagnons actuellement sur l’écoquartier Hoches à Nanterre. Mon avis est que si vous ne faites pas cette démarche d’ouverture et de coopération , vous allez peut être en effet arriver à monter une fédération, et pourquoi pas puisque cela est votre bon droit, légitime et historique, personne ne vous l’enlèvera jamais…donc c’est déjà « chose acquise », me semble-t-il. La question qui intéresse tout le monde est : Qu’est-ce que votre fédération va réussir à faire de plus ? de la politique ? Votre texte ne laisse rien transparaître à ce sujet. Le risque réel est de continuer à émietter un peu plus le réseau actuel qui est plus ou moins formalisé et qui se cherche de différentes façons, soit à partir de références historiques, soit en se référant à des projets en cours. A mon humble avis si l’association Eco Habitat Groupé ne va pas au delà du constat actuel, elle ne sera qu’une fédération de plus qui ne changera rien. Les fédérations, en France, ont un rôle de représentation dans le meilleur des cas. Elles ont malheureusement tendance à se couper de la base et à confisquer la parole de ceux qu’elle doit représenter. D’où mon inquiétude. En créant une fédération vous niez l’existence de centaines de personnes qui se reconnaissent dans le réseau actuel de l’habitat groupé, un réseau dont l’existence est aussi légitime que celle de votre association. Pendant que le MHGA s’était mis en sommeil, ce réseau de l’habitat groupé était sur le terrain et se prenait des vestes. Je ne parle pas ici de l’association Habicoop qui mériterait un autre débat plus philosophique. Ne sous-estimez pas les réactions de ces réseaux qui pourraient être soit positive soit négative ».

En Novembre 2010, lors des rencontres nationales de Strasbourg, l’ensemble des associations du mouvement de l’habitat participatif créent la Coordin’action et décident de rédiger un livre blanc de l’habitat participatif dont les signataires sont : Eco Habitat Groupé ; Eco-quartier Strasbourg ; GRT Ouest (Bretagne et pays de la Loire) ; Habicoop ( Lyon) ; Les Habiles ( Grenoble) ; Habiter autrement à Besançon ; Hespère 21 ( Paris) ; Relier ; Réseau Habitat Groupé. La coordination et la rédaction du livre blanc sont confiées à l’association Eco-Quartier Strasbourg. L’habitat participatif a pour objectif de répondre à cinq enjeux d’intérêt général :

– Une dimension sociale : Générer des liens sociaux ; Apporter une réponse alternative et innovante aux difficultés d’accès au logement et à l’entretien du patrimoine ;

– Une dimension économique : Réguler les prix des marchés immobiliers, notamment par l’habitat-coopératif.
– Une dimension environnementale : Dynamiser le développement des territoires urbains et ruraux en s’appuyant sur des initiatives citoyennes ; Promouvoir un habitat durable qui intègre pleinement la dimension environnementale. Le livre blanc diffusé à partir de février 2012 est un véritable manuel du développement durable de l’habitat.

La renaissance de l’habitat participatif, au travers des réseaux internet, connaît un succès institutionnel prometteur puisqu’une nouvelle loi sur le logement va lui conférer un statut juridique qui ne devrait pas manquer de faciliter le développement de l’habitat participatif. Le discours de Cécile Duflot en journée d’ouverture des rencontres nationales de l’habitat participatif à Grenoble, en Novembre 2012 a mis du baume au cœur de ceux qui se sont battus pour réaliser leur habitat groupé autogéré. Brusquement leur statut de marginaux entêtés, débrouillards et créatifs s’est transformé en statut de précurseurs d’une troisième voie du logement futur. Dans le sillage de cette nouvelle et troisième voie, la typologie de l’habitat participatif va se diversifier. La troisième voie ouvre deux axes de développement :

– Le développement d’une maîtrise d’ouvrage et d’une maîtrise d’œuvre partagées ;

– La diversification des formes de participation.

Le développement de l’habitat participatif passera inévitablement par celui d’une participation à la carte. Cette diversification pourra se faire dans une même opération immobilière. A terme il serait souhaitable qu’un minimum de concertation puisse avoir lieu à l’échelle d’un îlot ou d’un quartier dans leur intégralité. On peut imaginer que les opérateurs d’un projet immobilier important proposeront différentes possibilités de participation pouvant aller de l’engagement militant au plan social ou écologique à de formes de participation plus encadrées et aux ambitions plus limitées. L’idéal serait de donner la possibilité aux candidats au logement de choisir la formule qu’il juge la mieux adaptée à leurs attentes et à leurs disponibilités Mais avant de spéculer sur l’avenir de l’habitat participatif, il est utile de rappeler le contexte qui explique à la fois son actuel redéploiement et les résistances qui restent à surmonter.

Pour une grande majorité de gens l’air du temps n’est pas véritablement favorable à l’habitat participatif. Ayant vu défiler chez moi , en 2013, des candidats à l’achat de ma maison située dans un groupe autogéré du début des années quatre vingt, j’ai été frappé par le retour d’une mentalité individualiste et d’une culture du repli sur soi. La maison est redevenue comme avant la révolution culturelle de 1968, une forteresse protectrice obéissant à un logique sécuritaire. On attend de la maison et de sa pelouse murée qu’elle affiche le standing espéré mais surtout qu’elle protège ses occupants de toutes les formes de crises extérieures. Le 4×4 suréquipé doté de pneus surdimensionnés affirme la surpuissance de l’engin prêt à bondir aux quatre coins du pays en cas de menace potentielle. La carrosserie de la maison emboite le pas à cette mode révélatrice. Par ailleurs toute copropriété est vécue comme une dépendance intolérable, pire, comme une atteinte à la liberté individuelle. La qualité de la lumière captée par trois façades ou la double hauteur du séjour sont certes appréciées, mais ne pèsent rien face à l’absence de clôture qui passe pour être une atteinte à la propriété alors qu’elle permet, dans une ambiance de bon voisinage ( la meilleure des sécurité), de cultiver un potager, de cueillir les cerises du verger, aux enfants de profiter de tout l’espace extérieur débarrassé des parkings relégués à l’entrée de la résidence. Et comble de légèreté, ma maison est enveloppée d’un manteau en charpente et bardage bois. Après avoir admiré l’originalité et la clarté d’une maison très ouverte sur son environnement végétal, les visiteurs posent timidement la question de l’entretien… Je leur réponds qu’en Suisse le chalet en bois s’entretient très bien des siècles durant…Rien n’y fait : Le fait de marier l’écoconstruction à l’autogestion constitue un challenge qui effraie. L’actuelle et persistante crise économique nourrit toutes les peurs. En réalité ce challenge s’inscrit dans une tradition humaniste et environnementaliste ancestrale redynamisée par les nouvelles technologies. Imperturbablement, courageusement, de nouveaux et nombreux projets d’habitat participatif se mettent en place. La médiatisation des prochaines réalisations fera passer le message. Les chantiers sont d’ores et déjà ouverts.

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